Faire du vin à l’heure du réchauffement climatique
Les températures montent, les étés sont de plus en plus secs, si bien que l’eau vient à manquer… Le réchauffement climatique est un phénomène que personne ne peut ignorer. Quels sont les impacts sur la viticulture et la vinification ? Comment continuer à proposer des vins vivants et authentiques sous ces contraintes environnementales ? Nous essayons quotidiennement de répondre à ces questions cruciales pour l’avenir de notre chère activité.
Les problèmes posés par le réchauffement climatique
C’est un fait incontestable : les températures moyennes annuelles augmentent chaque année, tout particulièrement en été. La tendance est à des hivers plus doux et à des étés extrêmement chauds. Ce relevé ci-dessous montrent clairement la progression des températures par rapport à la moyenne, avec en nuance de couleur la variation inférieure (en bleu) et supérieure (en rouge).
Si la vigne peut s’adapter en tant que plante méditerranéenne, ce changement climatique rapide se fait à un rythme plus soutenu que celui de l’évolution naturelle du vivant. Il est de plus en plus courant de voir des raisins et des feuilles carbonisées par le soleil ardent.
Un hiver trop doux ne donne pas le temps et le bon signal à la vigne pour que sa dormance opère correctement. Ainsi, on observe plus souvent les flux de sève se réactiver en hiver. Tailler alors que la vigne n’a pas replié ses forces dans les racines n’est pas des plus bénéfique pour elle. Par la suite, elle est plus exposée au gel qui peuvent survenir, les bourgeons déjà de sortie étant vulnérables aux températures négatives.
Les ressources en eau disponibles dans nos sols et pour la vigne sont également mal menées.
Nous en arrivons à des restrictions de l’usage de l’eau dans de nombreux départements en 2022, l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. D’année en année, les ressources en eau diminuent, si bien que la vigilance est de mise toujours plus tôt, voire toute l’année. L’hiver doux que nous connaissons actuellement est encore insuffisant pour recharger les ressources en eau alors que certains départements sont encore placés en vigilance.
On peut cependant constater que si les pluies se font rares en été, elles se font plus (trop) abondantes le reste de l’année. Les pluies extrêmes s’abattent plus régulièrement, notamment dans nos régions. Ce trop plein d’eau soudain amène des risques de glissement de terrain et d’inondations. Si les sols peuvent se recharger en eau, comme au mois de décembre 2022, ces fortes variations de pluviométrie ne sont pas des plus favorables au maintien de ressources stables.
La tendance est donc à la hausse des températures tout au long de l’année, et à l’accroissement des sécheresses ou des inondations. Quoi qu’il advienne, ces phénomènes devraient se perpétuer dans les années à venir. Fort de ce constat, nous prenons les devants pour anticiper et préserver la résilience de notre activité.
Comment faire du vin à l’heure du réchauffement climatique ?
Nous aimons ce que nous faisons et nous espérons continuer à le faire dans les années à venir. Nous avons à cœur d’aller de l’avant en innovant, en expérimentant tout en observant ce qui fonctionne. Le réchauffement climatique est à prendre comme un défi pour nous améliorer en continue.
L’exposition de nos vignes vers le nord est propice à la conservation d’une certaine fraîcheur. De même, notre situation au cœur de la Provence Verte est idéale pour recevoir des pluies habituelles dans notre climat régional. Nous bénéficions également de la forêt sur les collines environnantes qui nous préservent relativement des pluies extrêmes et participe au maintien du frais en été.
Ces avantages ne diminuent que peu notre vulnérabilité potentielle si nous n’agissons pas pour faire évoluer nos pratiques.
Depuis l’automne 2021 nous appliquons les principes de la Biodynamie, labellisé par le label Demeter. Nous avions déjà banni l’utilisation de tout produit chimique de synthèse dès les débuts du domaine en 2016. Avec la biodynamie nous allons plus loin dans l’agriculture du vivant. Les préparations diffusées sur les vignes et nos sols accompagnent l’enrichissement du végétal et de la terre qui le soutient.
En quoi est-ce utile pour s’adapter au réchauffement climatique ?
Un sol vivant, aéré et naturellement enrichi, conserve mieux son humidité et une température stable. Avec les températures qui grimpent et le manque de pluie, cette démarche nous paraît évidente.
Nous tâchons également de limiter nos passages au tracteur, autant que faire se peut. Nos engins sont des plus légers mais tassent toujours les sols qu’ils traversent. Observer et bien envisager chaque intervention est la clé ici pour limiter au maximum notre impact négatif sur la vie des sols.
A la cave, nous sommes équipés pour maintenir aux bonnes températures les jus qui entrent en cuve. Toutes nos cuves, en béton ou en inox, ont des systèmes intégrés pour contrôler leur degré. Des technologies indispensables pour limiter les interventions brutales ou via des additifs lors des vinifications. Nous commençons les premières vendanges au plus tôt dans la journée pour limiter la température des raisins entrant dans la cave. Cependant, la superficie de notre vignoble ne nous permet pas de nous arrêter dès que le thermomètre commence à s’affoler. Maîtriser les températures des jus en cave se révèle crucial pour mener les fermentations sans additifs à bien.
Le changement climatique amène plus de chaleur et d’ensoleillement, plus tôt dans la saison, avec moins d’eau. Cela implique une montée plus rapide du taux de sucre, et donc de l’alcool, en décalage avec la maturité des autres composés qui apportent toute sa saveur au vin. Dans le même temps, la chaleur fait diminuer l’acidité malique, importante pour la stabilité et l’équilibre du breuvage en devenir.
Dans ce contexte, nous nous devons de vendanger de plus en plus tôt, comme ces dernières années, pour maintenir l’équilibre de nos vins.
L’assemblage peut aussi être un levier pour conserver la fraîcheur des vins. De plus en plus de nos cuvées rouges intègrent une part de cépages blanc qui ramène de la tension. C’est le cas de notre Bob Singlar Rouge 2022 qui contient 8% de Roussanne.
C’est dans cette idée que nous avons planté plusieurs parcelles de cépages blanc. Ces futurs raisins nous permettront d’équilibrer l’ensemble de nos cuvées et de garantir une production stable sur le long terme.
En résumé, nous continuerons d’observer et d’accompagner le vivant pour lui permettre de s’adapter au réchauffement climatique. Il est certain que nous trouverons d’autres approches pour perpétuer notre activité, en restant à l’écoute, en essayant des pratiques nouvelles ou anciennes.
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